es talibans continuaient, vendredi 13 août, leur implacable progression en Afghanistan. Ils se sont emparés de Lashkar Gah, la capitale de la province du Helmand (sud), après avoir laissé quarante-huit heures à l’armée et aux responsables politiques et administratifs pour évacuer la ville, a affirmé à l’Agence France-Presse (AFP) un haut responsable sécuritaire.
Les insurgés se sont emparés vendredi de la ville de Pol-e Alam, capitale de la province du Logar, à 50 km au sud de Kaboul, selon un conseiller provincial. Ils avaient pris auparavant Kandahar (sud), la deuxième plus grande ville du pays. Ils ont aussi pris vendredi matin, sans rencontrer de résistance, Chaghcharan, la capitale de la province de Ghor (centre). Ils s’étaient déjà emparés, jeudi, d’Herat (ouest), la troisième ville afghane, et s’étaient rapprochés jusqu’à 150 km de Kaboul en prenant Ghazni, au sud-ouest de la capitale.

En huit jours, les insurgés se sont emparés de la moitié des capitales provinciales afghanes. Ils contrôlent l’essentiel du nord, de l’ouest et du sud du pays. Kaboul, Mazar-e Charif et Jalalabad sont les trois seules grandes villes encore sous le contrôle du gouvernement.
Les talibans ont lancé une offensive en mai, à la faveur du début du retrait final des troupes américaines et étrangères, qui doit être achevé d’ici au 31 août. Ils s’étaient d’abord emparés de vastes territoires ruraux sans rencontrer de grande résistance. Puis leur avancée a progressé de manière dramatique ces derniers jours, plusieurs centres urbains tombant entre leurs mains, souvent sans offrir là encore une grande résistance.
Le retrait américain fustigé par Londres

Les Etats-Unis vont envoyer quelque 3 500 militaires au Koweït en renfort en cas de détérioration de la situation à Kaboul. « Il ne s’agit pas d’un réengagement militaire dans le conflit », a assuré M. Price, tandis que le Pentagone a également affirmé qu’il n’utiliserait pas l’aéroport de Kaboul pour des frappes contre les talibans. Mais ce redéploiement massif – il ne restait plus que 650 soldats américains dans tout le pays – peut être interprété comme un message adressé aux insurgés pour qu’ils ne s’attaquent pas à Kaboul et à son aéroport.
Le premier ministre britannique, Boris Johnson, s’est engagé vendredi à « ne pas tourner le dos à l’Afghanistan », appelant les Occidentaux à travailler avec Kaboul, pour éviter que le pays « redevienne un terreau pour le terrorisme ». S’exprimant sur les télévisions britanniques à l’issue d’une réunion gouvernementale de crise, le dirigeant a assuré que son pays comptait « faire pression » par la voie diplomatique et politique, mais il a exclu en l’état l’hypothèse d’une « solution militaire ».
Le ministre de la défense, Ben Wallace, avait plus tôt critiqué la décision américaine de retirer ses troupes d’Afghanistan. « Ce n’était ni le bon moment ni la bonne décision à prendre, car Al-Qaida reviendra probablement », a-t-il déclaré, sur la chaîne Sky News. Le départ des Américains, qui a entraîné le retrait de leur allié britannique et qui doit s’achever le 31 août, « laisse un très très gros problème sur le terrain », a-t-il estimé. Le ministre a en particulier critiqué l’accord de retrait initial signé à Doha en février 2020 entre l’ancien président américain Donald Trump et les talibans, estimant qu’il s’agissait d’une « erreur, dont nous allons probablement tous payer les conséquences ».
Une réunion internationale s’est achevée jeudi, au Qatar, sans avancée significative. Dans une déclaration commune, les Etats-Unis, le Pakistan, l’Union européenne et la Chine ont affirmé qu’ils ne reconnaîtraient aucun gouvernement en Afghanistan « imposé par la force ».
A l’issue d’une réunion des ambassadeurs des pays de l’Alliance, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a assuré que son organisation soutiendrait le gouvernement afghan « autant que possible » et « adaptera[it] » sa présence diplomatique. Les pays de l’Alliance atlantique « sont profondément préoccupés par les niveaux élevés de violence provoqués par l’offensive des talibans, notamment les attaques contre des civils, les assassinats ciblés et les informations faisant état d’autres atteintes graves aux droits de l’homme », a-t-il ajouté dans un communiqué.
Le Canada va accueillir 20 000 réfugiés afghans
La progression des talibans a un coût humain élevé. Au moins 183 civils ont été tués et 1 181 blessés, dont des enfants, en un mois à Lashkar Gah, Kandahar, Herat et Kunduz, selon l’ONU. Quelque 250 000 personnes ont été déplacées par le conflit depuis la fin de mai – 400 000 cette année –, dont 80 % sont des femmes et des enfants, toujours selon l’ONU
Le Canada a décidé d’accueillir plus de 20 000 Afghans vulnérables dont des dirigeantes, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes afin de les protéger contre des représailles des talibans. Cet effort s’ajoute à une initiative antérieure visant à accueillir des milliers d’Afghans ayant travaillé pour le gouvernement canadien, tels que des interprètes, des travailleurs d’ambassade et leurs familles, a déclaré le ministre canadien de l’immigration, Marco Mendicino, lors d’une conférence de presse.
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, s’est dit « horrifié », vendredi, par les informations sur des violations des droits des femmes afghanes par les talibans. « Je suis profondément préoccupé par les premières informations selon lesquelles les talibans imposent de sévères restrictions aux droits humains dans les zones qu’ils contrôlent », a déploré le chef de l’ONU devant la presse. « Il est particulièrement horrifiant et déchirant de voir que les droits durement acquis par les filles et les femmes afghanes sont en train de leur être enlevés. »
Nombre de civils ont ainsi afflué ces dernières semaines à Kaboul, où une grave crise humanitaire menace. Ils tentent, désormais, de survivre dans les parcs ou sur des terrains vagues, dans le dénuement le plus complet.